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Eve est le serpent

Eve est le serpent, Riccardo La Spina
Eve est le serpent, Riccardo La Spina

Eve est le serpent, Eve hait le serpent ? dessin : Riccardo La Spina

« Et puis, il y a Eve.

Eve ici, c’est l’être humain, on ne va pas séparer cet être humain en deux pour ne faire porter la responsabilité de ce qui arrive à Eve toute seule, comme le fait par exemple l’auteur de l’épitre à Timothée lorsqu’il écrit : « Que la femme demeure dans le silence, car ce n’est pas Adam qui fut séduit, c’est la femme qui, séduite, se rendit coupable de transgression ! » Soyons indulgents, admettons qu’il y a une énorme différence dans les contextes culturels et que, aujourd’hui, Paul s’exprimerait différemment, en tout cas espérons-le ! Mais ici, Eve représente l’être humain dans sa totalité.

Le serpent, pour être sûr que la conversation va s’engager, fait exprès une petite erreur

en commençant : « Dieu a-t-il vraiment dit que vous ne devez manger aucun des fruits du jardin ? » Alors Eve se dépêche de le corriger : « Mais si, on peut en manger, il n’y a que pour l’arbre qui au centre qu’il a dit qu’il ne fallait pas en manger. » Elle a rectifié, elle a eu raison, mais en même temps elle est entrée en dialogue avec le serpent, c’est ce qu’il cherchait. C’est comme aujourd’hui quand on clique trop vite pour répondre à une offre sur Internet et que cela permet à un organisme quelconque de récupérer vos données pour vous bombarder de publicité.

En plus, il y a un détail

qui pourra sembler insignifiant : dans sa réponse au serpent, Eve rajoute quelque chose à la parole de Dieu. Si on revient au chapitre précédent, on voit que la consigne était de ne pas manger du fruit de l’arbre au centre du jardin, et ici, Eve dit que Dieu aurait dit : « Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas ! » Ça n’a l’air de rien, mais dans un texte de cette importance, qui traite de l’origine du rapport de l’humanité avec Dieu, ça ne peut pas être simplement anecdotique, comme s’il s’agissait d’une espèce de distraction.

C’est un signe de faiblesse chez Eve,

l’être humain. En pensée, alors même qu’elle affirme son adhésion à la parole de Dieu, elle imagine déjà le geste que le serpent ne lui a pas encore suggéré, elle voit ce qu’elle pourrait faire, elle n’est pas certaine qu’elle ne le fera pas, alors elle rajoute quelque chose à la parole de Dieu. Nous avons ici, en germe, tous les systèmes de lois, de codes, de commandements humains qui viennent s’ajouter à la simple parole de Dieu ! Dieu a dit : « Tu aimeras… » Tu aimeras Dieu, et l’être humain complète, rajoute, spécifie les moyens, les sacrifices, les liturgies, les horaires selon lesquels il est recommandé d’aimer Dieu. Tu aimeras ton prochain – on précise alors qui est le prochain, comment on peut l’aimer, quand on peut ne pas l’aimer, ou même le tuer éventuellement au nom d’un principe plus important, la justice, l’honneur…

À partir de là, le serpent a beau jeu

d’amener Eve à accepter de mettre en question la parole de Dieu. Elle est mure pour entendre un discours sur Dieu, une « théo-logie » en somme. Cette première tentative théologique consiste en une psychanalyse de Dieu. Au fond, dit le serpent, Dieu est jaloux, il est rusé, il est égoïste, il cherche à garder le pouvoir, il craint la concurrence, c’est pour ça qu’il a placé cette interdiction, Dieu est menteur, voilà ce que dit le serpent théologien ! » Prédication du pasteur Roland Revet, le 1 mars 2020, à Bordeaux Bastide

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